Equipes traitantes pluriprofessionnelles & Démocratie sanitaire à l’oeuvre sur le terrain
Echanges entre les Présidents de France Assos Santé Occitanie et de la Forms
André Guinvarch, France Assos Santé Occitanie
Tous les ans, la population d’Occitanie croît de quarante mille habitants. Toutes ces personnes doivent pouvoir accéder aux soins alors que la démographie médicale en région est en baisse. C’est donc par une évolution des pratiques des professionnels de santé que chaque citoyen pourra se soigner. Dégager du temps médical pour les médecins, travailler en commun pour les professionnels de santé en particulier auprès des personnes ayant une maladie chronique, prendre en charge la santé des patients dans sa globalité et les aider à devenir acteurs de leur santé, sont les évolutions nécessaires à l’accès aux soins sur les territoires.
Maisons de Santé et équipes traitantes pluriprofessionnelles
Michel Dutech, FORMS
Les Maisons de Santé Pluriprofessionnelles répondent à ces besoins populationnels. Fin 2021, ce sont 7 millions de français qui ont choisi comme médecin traitant un médecin exerçant en MSP (2). La Drees (3) souligne dans l’une de ses dernières études consacrées aux MSP que « La capacité des médecins en MSP à accroître leur patientèle sans augmenter le nombre d’actes dispensés peut s’interpréter comme un effet direct de la coordination entre professionnels de la MSP. » Les MSP font clairement preuve de leur potentiel en termes d’amélioration de l’accès aux soins, de qualité de prise en charge des patients notamment avec ceux en situation de complexités. Elles développent également des activités de prévention et promotion en santé qui sont l’une des clés d’une réduction de l’apparition des maladies, de l’implication des patients dans leur parcours de santé et des stratégies pour éviter l’apparition des facteurs de risques associés aux pathologies chroniques. L’exercice pluriprofessionnel coordonné en MSP c’est la possibilité pour les professionnels de santé de trouver un sens à leurs pratiques, de développer des compétences et actions complémentaires à leur pratique courante et c’est aussi valoriser chacune des parties prenantes de la prise en charge. C’est pour cela que ce mode d’exercice est plébiscité par les jeunes professionnels de santé, dont les médecins.
Relation soigné-soignant et suivi des pathologies
André Guinvarch, France Assos Santé Occitanie
Avoir un médecin traitant est une difficulté pour de nombreuses familles. La confiance que les familles ont dans leur médecin de famille peut-elle être identique lorsqu’elles sont suivies par des médecins en Maison de Santé Pluriprofessionnelle, surtout lorsqu’elles ont des pathologies particulières ? Cette évolution dans le rapport soigné-soignant est peut-être une alternative à une habitude de certains patients, bonne ou mauvaise, de gérer leur santé en s’informant directement sur internet.
Michel Dutech, FORMS
La MSP ne remet pas en question l’existence du médecin traitant, elle le renforce. Elle donne aux médecins, aux professionnels de santé et aux patients la possibilité d’avoir du temps formel, des compétences spécifiques de spécialistes, des compétences sociales et des compétences sur le champ psychologique pour développer une réponse appropriée aux besoins en santé des patients. Cela répond au sens même de la coordination du parcours patient qui est née avec la création du dispositif médecin traitant.
Par ailleurs, les professionnels de santé partagent les dossiers patients en respectant strictement le secret médical partagé. Ce partage permet à un patient dont le médecin traitant de la maison de santé est absent d’être suivi par un autre médecin de la maison de santé qui aurait accès à son dossier, ses antécédents, ses prescriptions et toutes les données en santé nécessaires pour prendre des décisions éclairées et faire un suivi de qualité. En maison de santé vous avez donc un médecin traitant, des professionnels qui compilent leurs compétences au profit de votre santé et une continuité de prise en charge de qualité en l’absence de celui-ci. Vous parlez de pathologies particulières, nous parlerons de complexités que nous savons mieux prendre en charge et au plus près du lieu de vie du patient, grâce aux concertations pluriprofessionnelles que nous mettons en place. Cette démarche de coordination interprofessionnelle est remarquable. La MSP c’est le lieu où les patients sont mieux pris en charge au quotidien et dans la durée parce que les professionnels de santé travaillent en équipe au service des patients, des citoyens et des usagers.
Lien entre professionnels ville-hôpital, soins non-programmés, prévention et partenariat en santé
André Guinvarch, France Assos Santé Occitanie
La coordination dans les MSP signifie que ce n’est pas un regroupement de professionnels ayant leurs cabinets sur un même lieu, mais bien un travail en commun pour apporter une réponse globale. Mais quelle est la plus-value de cette coordination dans le parcours de soins, en particulier pour avoir un rendez-vous avec un spécialiste, ou un rendez-vous non-programmé ou encore faire davantage d’actions de prévention en y impliquant les patients ou même des patients experts ?
Michel Dutech, FORMS
La coordination en MSP c’est un travail d’une part, entre des professionnels pour développer un projet au profit de la patientèle et d’autre part au profit d’une qualité de prise en charge de la santé au sens complet du terme (bio psycho social) du patient. Les MSP travaillent leur réseau de façon plus formelle avec les offreurs de soins de territoire que ce soit les spécialistes, les hôpitaux locaux et autres. Ces réseaux nous servent à favoriser des accès simplifiés à des spécialités qui sont de moins en moins présentes sur le territoire. Nous travaillons avec nos secrétariats pour accompagner les patients au mieux dans ces prises de RDV.
Les médecins en maison de santé développent des plages de soins spécifiques pour recevoir les patients en situation aigue ne mettant pas en péril leur pronostic vital (acte non-programmé). Nous mettons également en oeuvre des protocoles qui permettent tout comme à l’hôpital que les professionnels autres que ceux du corps médical puissent prendre en charge un certain nombre de situations et de réponses à une urgence ressentie.
Notre projet autour de la patientèle vise justement le développement de projet de prévention ou d’éducation à la santé : favoriser l’accès aux dépistages des cancers, développer la sensibilisation et l’accès à la vaccination, développer des projets pour la prévention de l’obésité infantile et bien d’autres projets que nous portons en fonction des patients que nous prenons en charge. Ces projets permettent de sensibiliser à l’action de prévention chaque professionnel de santé et ainsi décupler les acteurs de prévention auprès des patients. La place des patients est essentielle et il ne peut y avoir de vraie démocratie en santé que s’ils sont impliqués et partenaires de leur parcours de santé. Nous sensibilisons aussi les élus locaux pour qu’ils comprennent la spécificité de nos prises en charge.
Place des usagers dans les projets de santé
André Guinvarch, France Assos Santé Occitanie
En dehors des consultations, les citoyens-patients, que l’on pourrait appeler usagers, ont une place comme dans le système hospitalier. Ils peuvent être associés au projet de la Maison de Santé. Il n’est pas facile pour un usager de franchir la porte et de s’asseoir à la même table que les professionnels pour échanger. Pourtant c’est ainsi que l’on progresse, en connaissant l’autre, et surtout en vérifiant que les messages que chacun porte sont audibles et compris par l’autre. Alors comment intègre-t-on l’usager au sein d’une équipe de professionnels qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble et comment peut-il agir pour une véritable coordination des professionnels ?
Michel Dutech, FORMS
Vous le soulignez, l’interconnaissance est la clé. Une équipe ne se constitue pas en un jour, il faut une certaine maturité à l’équipe pour être suffisamment sûre de sa pratique pour développer le partenariat en santé avec les usagers.
L’implication du patient est un sujet essentiel de l’avenir de notre système de santé. Nos expériences nous montrent en effet que nous pouvons être plus efficaces en construisant avec eux des projets dont ils sont aussi les acteurs. Les MSP peuvent elles-mêmes entrer en contact avec les associations locales, chercher au sein de leur patientèle des usagers souhaitant prendre part à la structuration d’un projet ou pour évaluer des actions mises en oeuvre. Au sein de chaque MSP se trouve des coordinateurs, qui peuvent être une porte d’entrée direct de l’usager volontaire pour travailler avec l’équipe pluriprofessionnelle. Les MSP se nourrissent aussi du vécu patient et développent souvent des boites à idées et des questionnaires dont il faut se saisir.
Déploiement des dispositifs de soins coordonnés et accès aux soins en région
Michel Dutech, FORMS
Nous espérons que chaque patient aura l’opportunité à l’avenir d’être pris en charge par les équipes traitantes des MSP. Les études le prouvent, c’est la meilleure réponse aux besoins de santé de la population. C’est aussi l’exercice plébiscité par les jeunes professionnels, un exercice d’avenir donc, que nous devons faire grandir. Entre 2017 et 2022, c’est 178 MSP qui ont été validées en Occitanie et chaque année une quarantaine de MSP qui sont validées. C’est grâce à de nouveaux professionnels comme les Infirmièr-e-s en Pratique Avancée (IPA), les assistants médicaux, les médiateurs en santé, etc. que nous pourrons retrouver de l’accessibilité au soin et une coordination de qualité des parcours de santé. L’objectif de 2 000 à 7 000 MSP nous parait souhaitable et réalisable dans les années à venir.
André Guinvarch, France Assos Santé Occitanie
La pratique professionnelle en Maison de Santé représente 25%. Il y a encore de nombreux professionnels qui restent isolés dans leurs cabinets, qu’ils soient médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, podologues, etc. C’est la raison pour laquelle, France Assos Santé Occitanie et la FORMS souhaitent agir ensemble pour développer cette forme de pratique professionnelle qui apporte un mieux-être au professionnel et qui répond aux besoins de soin des familles de notre région, surtout dans les territoires que l’on qualifie de déserts médicaux voire de déserts en santé.
André Guinvarch Michel Dutech
Président de France Assos Santé Occitanie Président de Forms